vendredi 10 juin 2011

PORTRAIT DE AZZEDINE MEDDOUR


Douleur muette est le dernier film de Azzedine Meddour. Une douleur que lui-même avait portée pendant longtemps. C’est parce qu’elle prend souvent des formes inattendues qu’elle a guidé ses pas vers une créativité toujours plus intense. Sa mort revêt quelque chose d’irréel, on ne s’y attendait pas. C’est dire qu’elle l’avait embelli avant de le prendre. Il a rejoint «sa montagne» qui l’a bercé dans des contes magiques et qui a tissé dans son enfance le rêve de faire un jour du cinéma.

Après des études de lettres françaises à l’université d’Alger, il se rend à Moscou pour des études de cinéma. A sa sortie du VGIK, il réalise trois cours-métrages pour la télévision Moscou. En 1978 il rentre en Algérie, travaille dix années au compte de la télévision algérienne. Il devient producteur en 1993 et réalise son premier long-métrage cinéma, La montagne de Baya.

Le thème de l’enfance domine dans l’œuvre de Azzedine Meddour tantôt comme forme, tantôt comme contenu. Son premier film Gavotte, présente un enfant à l’apprentissage de l’art, une façon de dire que l’art n’est pas une magie mais un travail assidu au quotidien. Pour démystifier une certaine vision du roman de science-fiction sur la représentation de l’avenir, il donne la parole aux enfants dans Le message aux descendants de l’an 2000. Il choisit une approche plus humaine et plus réaliste pour dire que l’avenir est en partie tel que la société aura formé ses enfants. La fillette et le papillon nous plonge dans l’univers intérieur des enfants pour cerner les traumatismes de la guerre d’Algérie. Une approche qu’il  approfondit dans Douleur muette, un film d’investigation psychologique sur la violence terroriste et son impact sur les enfants victimes. Une conception pour laquelle il a reçu le prix Adolf Grimme à Berlin.
Dans  Le colonialisme sans empire les enfants prennent la valeur d’une métaphore, mais c’est déjà un autre thème ou plus justement une autre image de la violence, celle subie par les autres peuples : Cuba, Vietnam…etc. En passant par Polisario année 15. Cette image plus globale de la violence s’inscrit dans le besoin qu’avait l’Algérie de sortir de son traumatisme par apport à la période coloniale. Une période sur laquelle il réalise Combien je vous aime, un film qui lui a valu le premier prix du festival américain du film documentaire à New York. C’est à partir d’archives filmées qu’il fait un montage des plus ingénieux, en n’excluant dans sa démarche  ni l’humour ni la dérision. Le même procédé lui permet de relater les événements qui ont bouleversé l’humanité au siècle dernier. On retrouve dans Des faits et des faits l’histoire universelle dans une dynamique cinématographique inattendue.

C’est parce qu’il est fasciné par l’histoire qu’il nous fascine à notre tour. Il ne la raconte pas, il l’interroge et l’interpelle.
Ce parcours jalonné de mérite construira sa maîtrise de l’outil cinématographique. Il tente une fiction où il aborde les problèmes du tiers-monde et leur impact sur la société. C’est cette fiction qui réveille en lui le désir de faire un long métrage cinéma. Et c’est en faisant La légende de Tiklat qu’il récupère les matériaux qui vont faire plus tard La montagne de Baya. Une œuvre dans laquelle se retrouvent les deux données essentielles de ses réalisations : l’histoire et la mémoire. Il peint cette fresque historique dans une dimension plastique des plus originales, et décroche le Grand prix du public à Montréal.

Treize personnes ont périt dans cette aventure et vingt cinq autres ont été blessées. Il a fallu dix années à Azzedine Meddour pour faire ce film, ni les blocages administratifs, ni la conjoncture sécuritaire, ni même le drame ne l’en ont dissuadé. Il arrivera au festival de Venise usé mais triomphant devant le sort. La montagne de Baya  verra le jour et portera deux histoires parallèles d’honneur et de résistance.

  
GAYA IZENNAXEN


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